Tuesday 24 May 2011

Ôde au voyage

Quand j'arrive dans une nouvelle ville, je m'interdis les moyens de transports et je la parcours à pied, autant que je peux. J'aime m'imprégner de son odeur, des ses habitants, de son architecture, de sa gastronomie (si tant est que j'y trouve de quoi me nourrir, mais ce n'est jamais trop dur), de ses histoires, de ses secrets. Et entre deux monuments, j'ai souvent fait des trouvailles qui valaient le détour. Je visite rarement les musées, et seulement lorsque je reste sur place au moins 3 jours. La plupart du temps, je considère cela comme une perte de temps*. Il faut dire que les seuls qui m’intéressent un tempsa soit peu sont les musées d'art, et honnêtement, je n'ai pas la sensibilité nécessaire pour m'extasier devant une toile, une bonne reproduction me suffit. Un tableau ne me parle que du moment où je connais un temps soit peu son peintre et sa vie, où je peux imaginer sa visée, son regard... Je préfère de loin les trivialités de la vie quotidienne aux musées et tous leurs objets morts qui ne me parlent pas. Ah! le croustillants des churros de la Calle San Gines, le bruit tonitruant des klaxons de Taksim, la douce amertume des bières d'Osnabrück, la moiteur des hammams, la chaleur sèche du Niger, les odeurs alléchantes de chocolat et de gaufres à Bruxelles, les cris insistants des vendeurs du Grand Bazaar, les effluves de fleur d'oranger du midi, l'ombre accueillante du Retiro, l'uniformité curieuse des maisons victoriennes de Kensignton, les couleurs éclatantes du marché de la Boquería, le charnu des abricots roussillonnais, le vermillon des briques de Sloane Square... Je n'ai même pas honte en avouant que j'ai préféré passé mon temps dans les fumoirs d'Istanbul, à savourer des çai brûlants et trop sucrés, à flâner dans les rues et de Galata, plutôt que de visiter l’impressionnant Palais de Topkapı. Ah Istanbul la Magnifique (nouveau pincement au cœur), où j'ai vécu trois petits mois, où Evin m'a fait sa demande en mariage. Trois mois c'est peu, mais assez pour me sentir Stambouillote! On se moque souvent de ma façon de voyager, de mes visites éclairs, mais pour être honnête, c'est intensément que je préfère le faire, en me gorgeant de toutes ses nouveautés, de tout cet exotisme jusqu'à plus soif.

J'ai cette angoisse du voyage**, comme si ça n'allait jamais assez vite, comme si je n'aurais jamais le temps de voir tout ce dont je rêve, comme si à deux pas d'ici se cachait un trésor d'architecture, un passage secret que je pourrais rater, cette sensation presque identique à celle que j'éprouve lorsque je pénètre dans une librairie et que je me rends compte que je mourrai bien avant d'en avoir lu la fin. Voyager pour moi c’est un peu comme plonger dans un lac, y aller tout entière et en ressortir aussi tôt pour ne pas laisser le froid m’engourdir, trouver un équilibre entre le familier et l’étranger, et c'est peut-être pour ça qu'il est bon de ne pas s'arrêter trop longtemps, de ne pas laisser le mystérieux devenir trop commun?

Paradoxalement, malgré mes courts séjours, il y a très peu d'endroits que j'ai visité et où je ne me suis pas sentie presque immédiatement chez moi... Quand je suis à Paris, ma ville natale, je ressens toujours un pincement au cœur: une ville connue-inconnue, où j'ai très peu vécu et où j'ai souvent été. C'est également avec nostalgie que je me souviens de la route entre Glasgow et Fort William, bordée de vertes collines, de bruyère et des lochs glacés. De la folie qui règne à New York et de son côté singulièrement décontracté. Des montagnes du Péloponnèse et de ses eaux émeraudes. Des forêts denses du Småland suédois parsemées de milliers de lacs. Je me rappelle avoir pensé de Madrid, Stockholm, Paris, Hambourg, Amsterdam, Oslo, Prague, Athènes etc. que j'y passerais bien un petit morceau de ma vie. Petit seulement, car je suis une vraie girouette, dans la vie comme dans mes voyages. Et si je me sens chez moi, au bout de quelques temps, je ressens toujours l’appel de la route.

En fait, je me sens partout chez moi, et à fois de nulle part. Ou peut-être pas, il y a bien une ville où j'appartiens***, et je rentre bientôt à la maison…

En attendant je vais faire trempette dans la capitale Allemande :)












* J'exclus de la liste le British Museum, dont les objets exposés sont toujours accompagnés d'explications écrites, et où l'on peut prendre des photos!! et le Grand Palais à Paris, que je ne visite rien que pour lui-même. Et l'Institut du Monde Arabe pendant que j'y suis.
** En anglais, on dirait "an urge", un mot qui n'existe pas en français et se traduit lamentablement par "forte envie". En fait, ce mot évoque quelque chose de plus instinctif, de viscéral.
*** "Where I belong"


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